Quelques conseils pour bien prélever


Par Jean-Christophe Godart, Michel Viala, Gaby Becker, Fujisan et d'autres.

Conseils de lecture

- Yamadori Bonsaï 1 par Yasushi Oonuma, édité par la FFB. Quelques pages extraites.

- Technique du Bonsaï - tome 2, par John Naka, édité par la FFB. Le tome 1 contient aussi quelques conseils, mais le tome 2 est plus détaillé sur les prélèvements et l'édition française du tome 1 est épuisée à ce jour.

Législation

Avant toute chose, sachez que TOUT PRÉLÈVEMENT EST INTERDIT sans l'accord du propriétaire : privé, commune, état (ONF)... que ce soit des arbres, jeunes pousses, pierres et même graines, fruits, feuilles, champignons... d'après la loi. Vous risquez de fortes amendes, la confiscation de votre matériel et même l'emprisonnement...

Les principaux codes et lois français sont repris en fin du livre de Y. Oonuma. Législation similaire en Belgique et Suisse. Pour le Canada, je ne sais pas.
Quelques articles de la législation française.
Quelques articles de la législation belge.

Matériel

Beche Sac Gants Se munir d'une bêche avec manche très solide, gants, petit sac à dos, transplantoir ou truelle.
Secateurs Il faut aussi sécateur et coupe branche.
Scies Une scie égoïne et éventuellement une scie à bûches à cadre triangulaire.
Serpette Y. Oonuma conseille une serpette pour cercler la terre.
Pioche US Avec Gaby Becker j'ai aussi expérimenté une petite pioche légère et maniable et je la trouve plus pratique. Voici le modèle armée US vendu par les stocks américains.
Burin Marteau Dans les endroits rocheux, petite pioche, burin et marteau, pied de biche, barre à mine...
Toile Elastique Pour emballer la motte, il faut des toiles solides : sac poubelle pour gravats, toile jute (naturelle ou synthétique comme ici) et de la ficelle ou mieux, des bobines d'élastique plat de mercerie.
brouette Si l'arbre est gros, il faut être au moins deux et il faut du matériel pour transporter l'arbre sans l'abîmer : brancards, brouette (genre brouette à bûche), armature de sac à dos avec plate-forme dans le bas... C'est essentiel si le site est peu accessible. Vous voyez ici la brouette modèle de luxe que Fujisan a breveté ;-).

Époque

Les périodes les plus propices sont l'automne et la fin de l'hiver, càd les périodes propices au rempotage. C'est aussi possible en hiver, sauf s'il gèle bien sur.

En été, la transpiration est très forte et l'arbre peut mourir de soif. C'est malgré tout possible pour certaines espèces si vous supprimez presque tout le feuillage, prélevez une grosse motte et assurez une forte humidité de l'air.

Au printemps, après le débourrement (sortie des feuilles), l'arbre n'a plus les réserves nécessaires pour produire des nouvelles racines et va s'épuiser.

Repérage

Cherchez des sites dégagés, avec des arbres rabougris, qui ont du feuillage compact. Ou encore des arbres régulièrement broutés par les chèvres, ou au bord de talus régulièrement taillés. Évitez les sous bois où les arbres ont souvent des troncs longs, droits et cylindriques. N'oubliez pas non plus que vous devrez transporter l'arbre. On n'a pas toujours un hélicoptère à disposition ;-).

Avant de prélever un arbre, assurez vous qu'il a du potentiel. Essayez d'imaginer son avenir en bonsaï. Vérifiez que ses racines sont régulièrement réparties. Pour cela, dégagez délicatement les racines de surface. Règle Fujisan : d'abord le nebari; si OK, le tronc et les premières branches doivent avoir du caractère; pour le feuillage, on verra plus tard. Si les deux premières conditions ne sont pas respectées, ne pas prélever.

Y. Oonuma conseille de faire bouger le tronc dans toutes les directions. S'il manque de racines d'un côté, le tronc bougera de l'autre. Mais il ne faut pas faire bouger le tronc : on risque de fragiliser les radicelles qui sont immédiatement sous le nebari, et ce sont sur elles que l'on compte pour que l'arbre reparte.

Prélever

Coupez les branches inutiles, trop grosses ou laides, les doubles troncs... Pour la plupart des conifères et espèces à feuillage persistant, gardez du feuillage au bout de chaque branche. Pour la plupart des espèces à feuillage caduque, vous pouvez ne garder qu'un bout de tronc et de branches. Il faut garder les bonnes, d'où la nécessité d'un moment de réflexion avant d'attaquer la taille : tourner 7 fois le sécateur dans la main avant de tailler :-))

Le diamètre de la motte aura au min 4-5 fois le diamètre du tronc à la base. Sa profondeur aura au min 2-3 fois le diamètre du tronc à la base, et plus pour certaines espèces à enracinement profond ou des arbres de plus petite taille. Selon la disposition des racines, le tronc n'est pas nécessairement au milieu de la motte.

Commencer à creuser largement au delà de ces dimensions; il sera temps de réduire la motte lorsque l'on y verra plus clair. Creusez une tranchée autour de la base. Pour couper les racines, dégagez les et utilisez un outil adapté à leur section : sécateur, coupe branche, scie égoïne, petite scie à bûche à cadre triangulaire... Attention, la terre est redoutable pour les outils tranchants et plus particulièrement les scies. Si vous sciez dans la terre, la lame s'usera très vite. Pour éviter cela, dégagez au maximum la terre autour de la racine avant de la couper. Retirez un morceau en coupant de part et d'autre de la tranchée. Ne tentez pas que couper des grosses racines à la bêche, vous risquez de casser la motte et les radicelles. Continuez à creuser tant que vous trouvez des racines latérales.

Creusez ensuite sous la motte. La plupart des espèces ont une racine pivot qu'il faut couper. C'est souvent difficile d'y accéder et il faut parfois agrandir la tranchée pour pouvoir aller en dessous.

Très important

- Garder un maximum de fines racines près de la base, couper proprement les grosses racines, ne pas arracher l'arbre de terre, même s'il ne reste attaché que par une racine. Vous risquez de casser la motte et la racine arrachée sera une porte ouverte aux maladies.

- Éviter au maximum que la motte ne se casse, et les radicelles par la même occasion.

- Pendant toute la durée de l'opération faire en sorte que l'arbre ne bouge pas dans sa motte et que la motte ne bouge pas autour de l'arbre; sinon, les racines que l'on compte récupérer se détacheront du tronc et l'arbre ne survivra pas. La motte doit rester compacte.

- Ne pas toucher à une écorce rugueuse, cela prend des années pour qu'une écaille détachée devienne moins visible.

Extraire l'arbre du trou

Quand la motte est dégagée, pliez la toile en deux, faites basculer la motte dans le trou et faites glisser le pli de la toile jusqu'au milieu. Ensuite faites basculer de l'autre côté et ramenez l'autre moitié de la toile par dessous.

Empoignez les coins de la toile pour extraire la motte du trou. Ficelez bien tout autour de la motte dans tous les sens et à de nombreuses reprises (à la manière d'un saucisson). Un élastique de mercerie plat est plus pratique que de la ficelle car même s'il bouge un peu, il reste tendu. Pensez à reboucher le trou.

Transporter l'arbre

Transport Il faut bien fixer l'arbre à la brouette ou au brancard afin qu'il ne tombe pas. Des Sandows et sangles seront très utiles. Pour la brouette, dans les endroits en pente, il vaut mieux attacher une longue corde à l'avant et qu'une ou deux personnes tirent. La personne à l'arrière ne pousse pas et ne fait que soulever, guider et assurer l'assiette pour éviter que la brouette ne bascule.

Caisse, pot ou pleine terre ?

L'un et l'autre sont possible. La pleine terre a l'avantage de faciliter les arrosages et d'offrir une isolation naturelle contre le gel. La caisse et le pot ont l'avantage d'être transportable, on peut contrôler l'emplacement, le tourner, le mettre à l'abri du gel... Après la reprise, c'est aussi plus facile pour commencer à former l'arbre.

Pour la caisse ou le pot s'assurer comme d'habitude d'un très bon drainage. Prévoir une caisse ou un pot avec +- 5 cm de terre tout autour de la motte dans toutes les directions. Construire une caisse selon la grosseur de la motte et non l'inverse. Poser sur des traverses ou briques pour surélever du sol afin que l'eau s'évacue bien.

Construire une caisse

Voici un schéma d'une caisse en bois de 51 cm de large, 70 cm de long et 30 cm de haut. Les dimensions intérieures sont de 46 x 65 x 25 cm. Cette caisse est construite avec des planches brutes de 25 mm d'épaisseur et de 125 mm de largeur. Vous pouvez utiliser du bois moins épais, mais il faut ajuster les planches plus précisément.

Fond Construisez le fond de la caisse en espaçant les planches de quelques 3 à 5 millimètres. Ainsi l'évacuation de l'eau est bonne. Fixez les planches avec des traverses. Ne mettez pas les traverses trop près du bord afin de faciliter la fixation des côtés. Il vaut mieux visser que clouer car le bois travaille beaucoup avec l'humidité. Si vous utilisez un fond plein, il faut y percer des trous de drainage et les couvrir de grillage comme pour les pots. Il faut également des traverses pour surélever du sol.
traverses Les traverses sont en dessous afin de surélever la caisse du sol. Ainsi l'eau s'évacue bien.
parois Construisez les parois en fixant un tour de planches. Vous pouvez poser les planches sur le fond comme dans ce dessin. N'oubliez pas alors de tenir compte de l'épaisseur des planches pour les dimensions du fond. Vous pouvez aussi fixer les planches sur la tranche du fond, sur le côté. Il faut alors ajuster la longueur des planches du fond avec précision.
supports Si votre caisse n'est pas assez profonde, il faut construire un deuxième, troisième... tour. Pour fixer ces tours, vous devez placer des supports dans les coins. Vous pouvez utiliser une section carrée comme ici ou les mêmes planches que pour le reste de la caisse.
2 tours Fixez un deuxième tour aux supports.

Le substrat

Un substrat moitié terreau, moitié sable grossier/fin gravier peut convenir. Mais pour certaines espèces et selon votre climat, il peut être nécessaire d'augmenter la proportion de sable grossier.

Si la terre d'origine est très argileuse et compacte, on peut retirer toute l'ancienne terre au jet d'eau, mais certaines espèces ne le supportent pas (ex. Pins). Dans ce cas, il faut s'assurer que la motte est bien humidifiée quand on l'arrose, car l'eau a tendance à contourner une motte argileuse compacte.

Commentaire de Michel Viala : Au premier rempotage, ne pas toucher à la motte (on n'a pas fait tout cela pour rien). Combler simplement l'espace entre la motte et la caisse par le substrat décrit plus haut. En cas de motte argileuse, le substrat devra être maintenu humide; il empêchera ainsi à l'argile de sécher et durcir.

Rempoter l'arbre

N'attendez pas pour rempoter l'arbre, sa reprise sera meilleure.

Pour mettre en caisse ou dans le trou, disposer une couche de substrat au fond et suivre la procédure inverse de l'emballage : déficeler, utiliser la toile pour déplacer la motte et la retirer en basculant d'un côté puis de l'autre. Bien remplir tous les interstices avec le substrat. Il ne doit rester aucun vide, mais la terre ne doit pas être damée. Procédez comme pour un rempotage.

Il ne faut pas que l'arbre puisse bouger dans aucune direction, ce qui endommagerait les nouvelles radicelles en cas de coup de vent. Au besoin fixez l'arbre au pot avec des ficelles (ou élastique) en faisant un tour au haut du tronc à l'aisselle d'une fourche et fixées de part et d'autre au bord du pot. En caisse, ne pas hésiter si nécessaire à clouer un tasseau vertical et à fixer une branche à ce tasseau de manière à ce que l'arbre ne bouge pas. Pour la pleine terre, un trépied de tuteurs peut être plus pratique.

Arrosez copieusement comme après tout rempotage.

Soins post-prélèvement

Le prélèvement est un stress très important pour l'arbre, une grande partie des radicelles ont été coupées. Le seul objectif après un prélèvement est d'assurer la reprise de l'arbre. Il doit reconstituer les radicelles perdues au plus vite car ce sont elles qui alimentent l'arbre.

Ne commencez pas la mise en forme avant que l'arbre ait montré des signes d'une croissance vigoureuse. Attendez au minimum un an, parfois plus, avant de commencer sa formation, le ligaturer, le pincer, l'écorcer... L'arbre est encore trop faible pour supporter un nouveau stress et sera en grand danger.

Les seules tailles que vous pratiquerez sont faites au moment du prélèvement ou du premier rempotage : longues racines et branches inutiles ou en surnombre pour la quantité de radicelles restantes.

L'équilibre hydrique

Il faut garder un juste équilibre entre radicelles et feuillage, surtout pour un arbre à feuillage persistant. Ici seule l'expérience permet de juger au mieux cet équilibre. Si vous laissez trop de feuillage, il ne peut être alimenté par les radicelles restantes et l'arbre peut mourir de soif. Si vous coupez trop de feuillage, l'activité de l'arbre est réduite et sa reprise sera plus lente. Au pire, son activité sera insuffisante pour produire de nouvelles racines, une partie ou même tout l'arbre peut mourir.

Pour la plupart des feuillus caduques, cet équilibre va s'établir de lui-même au printemps. Seuls les bourgeons que l'arbre peut alimenter vont s'ouvrir et les feuilles seront de plus petite taille. Voyez l'article de Brent Walston pour plus de détails. Néanmoins, si vous êtes certain qu'une branche sera inutile, il vaut mieux la couper.

Emplacement

Afin de limiter l'évaporation de l'arbre et donc l'aider à maintenir son équilibre hydrique, vous pouvez le placer dans une atmosphère humide à l'abri des vents et d'un soleil trop fort. Une serre froide est très utile pour des arbres en grand danger de déshydratation, mais vous pouvez aussi les mettre sous couche, sous cloche... On peut aussi installer un système de brumisation automatique afin d'augmenter l'humidité de l'air. Une ou deux brumisations par jour à la main, ne sont pas très utiles et, dans certaines conditions, cela peut même être néfaste. Voyez la page arrosage pour plus de détails.

Engrais et traitements

Phosphore (P)
Afin d'aider l'arbre à produire des radicelles au plus vite, on lui donne un ou deux apports d'engrais riche en phosphore (P) comme le superphosphate. En effet, le phosphore est connu pour favoriser la production de racines.

Oligo-éléments
Un complément en oligo-éléments évitera les carences d'une terre d'origine pauvre. Gaby en utilise en apport foliaire avec de bons résultats.

Solution vitaminée
D'anciennes études ont montré que les vitamines B1 favorisent l'enracinement. Mais il semble que les plantes n'ont pas de réels besoins en vitamines. Leur action peut être indirecte, en favorisant le développement de micro-organismes utiles. D'autres composants peuvent aussi avoir une action sur l'enracinement. Ces produits, dont la composition est parfois tenue secrète, ont leurs adeptes et leurs adversaires. A vous de faire votre propre jugement. Le produit américain Superthrive n'est plus disponible en Europe (interdit à l'import, je crois). Le produit français Tonus V de la gamme Sumo Bonsaï est similaire. Il est fabriqué par Soins Santé Bonsaï Diffusion.

Hormones d'enracinement
Ces hormones sont utilisées surtout pour les boutures et marcottes. Leur efficacité est reconnue dans ces applications. Mais elles pourraient aussi favoriser le développement de radicelles sur des grosses racines coupées. Différentes hormones existent qui ne sont pas toutes aussi efficaces selon l'espèce et le type de tissus. Pour plus d'information, voyez l'article de Brent Walston sur le bouturage.

Silicate colloïdal
Ce produit peut être utile pour améliorer la structure d'un sol d'origine très compact. Non seulement pour les prélèvements, mais aussi pour les plantes de pépinière cultivées en pleine terre. Souvent les pépiniéristes cultivent dans un terrain argileux car cela donne des mottes compactes qui ne se désagrègent pas. Ce n'est pas problématique quand on replante en pleine terre, mais une telle terre argileuse et compacte peut être mortelle quand on cultive en pots. Je fais actuellement des essais avec le produit Agrosil de BASF/Compo pour évaluer son efficacité.

Anti-transpirants
Ces produits sont destinés à réduire la transpiration et aident ainsi à maintenir l'équilibre hydrique. Gaby fait actuellement des essais pour évaluer leur efficacité.

Gaby Becker a élaboré un programme de fertilisation plus complexe qui donne de bons résultats. Contactez Gaby si vous désirez connaître son programme en détails.



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