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Dégâts du Gel sur les Plantes Ligneuses

par Andy Walsh
Traduit de l'Anglais par Jean-Christophe Godart

Introduction

Cet article est adapté d'un message sur l'Internet Bonsaï Club dans lequel, Andy Walsh parle des changements physiques et chimiques liés au gel de tiges et racines d'une plante. Ce type d'information est cruciale pour la construction d'abris contre le froid pour beaucoup de régions d'Amérique du Nord. Quelques légères modifications ont été apportées pour rendre cet article plus lisible dans ce contexte.
Brent Walston

Andy Walsh est un directeur de l'American Bonsai Society (ABS).
Jean-Christophe Godart

Les Trois Niveaux de Gel

Tout d'abord, à plusieurs reprises des personnes ont écrit sur ce forum que leurs arbres sont gelés en hiver et survivent. Il m'apparaît clairement qu'il y a beaucoup de malentendus sur ce que certains entendent par une plante gelée. Si une plante est réellement gelée, elle meurt. La formation de glace dans les cellules d'une plante est invariablement fatale. Je pense que ce que beaucoup voient en hiver, c'est le sol gelé de leurs arbres et ils l'assimilent au gel de la plante. Ce n'est pas le cas.

De mes lectures, il y a en gros trois niveaux de gel qui peuvent être observés, et ont un sens pour un bonsaï:

Gel de l'Eau dans le Sol

Le gel de l'eau dans le sol se produit à la plus haute température des trois. L'eau dans la nature gèle rarement à sa constante physique de 0°C (32°F) car il y a toujours quelque chose de dissous dedans qui abaisse le point de gel. Mais, puisque le sol est principalement constitué de particules et (habituellement) peu de solutions, l'eau gèle juste un peu sous 0°C. Quand la glace se forme dans le sol, elle vient en réalité de la solution du sol débarrassé des particules et sels (Réf. 2). Ceux d'entre vous qui sont dans les régions plus froides et qui subissent des soulèvements de gel vont remarquer que le sol a des cristaux de glace en surface. Dans beaucoup de cas ce n'est pas le sol lui-même qui est gelé (il est boueux en dessous). Mais, cela ne se produit que quand il y a la place pour que les cristaux de glace se forment - c'est à dire en surface. Dans la terre, et dans le sol d'un bonsaï, l'eau n'a pas d'endroit où aller et gèle sur place. J'ai vu l'eau dans le sol de mes bonsaïs geler ainsi durant 19 hivers.

À propos, on entend aussi sur ce forum que ce gel provoque une pression forte et dommageable sur les racines à cause de l'expansion de la glace. Mais, les cellules de la plante ont une enveloppe rigide et sont capables de supporter des pressions de plusieurs atmosphères sans problème grâce à leur turgescence, la pression interne du liquide de la cellule. En fait, on a observé des plantes communes qui survivent à des pressions hydrostatiques de plus de 1000 atmosphères. La résistance au stress de la pression varie selon la saison et, croyez le ou non, on a observé une augmentation de cette résistance avec l'acquisition de la rusticité (Alexandrov 1964, dans Réf. 2).

Ce qui est important à comprendre ici c'est que l'eau dans le sol est gelée mais PAS les racines ou les pousses du bonsaï. L'eau gelée dans le sol d'un bonsaï n'est pas un problème pour l'arbre (excepté pour ce dont je parlerai plus loin).

À la température du gel de l'eau dans le sol, l'arbre a peu de soucis; mais quand la température chute, le risque pour les racines et les tiges augmente. Quand la température chute, la plante elle-même risque de geler ce qui, comme je l'ai dit auparavant est invariablement fatal à la plante. Les plantes ont plusieurs mécanismes leur permettant d'éviter de geler qui ne sont pas encore complètement expliqués.

Un mécanisme est l'accumulation de solutions (sucres, alcools sucrés, protéines, etc.) à l'intérieur du protoplasme de la cellule. La présence de solutions abaisse le point de gel de l'eau et préserve la plante du gel si la température descend sous 0°C. Dans quelques cas ce mécanisme donne une forte protection. Des chercheurs Japonais (Ichiki et Yamaya dans Réf. 2) ont découvert que les pommiers (Malus sp.) augmentent le niveau de sorbitol de plus de 30 fois son niveau avant l'hiver et ont établis une corrélation entre le niveau de résistance au froid et le niveau de sorbitol dans la sève trachéale. Aux niveaux maximum de sorbitol, une résistance jusqu'à -25°C a été mesurée expérimentalement. Ce qui est intéressant, c'est que les niveaux de sorbitol varient durant la saison selon la température extérieure, c'est à dire, quand la température descend, les niveaux de sorbitol augmentent et vice versa. C'est vrai aussi pour beaucoup d'autres espèces - mais pas toutes. (à propos, la rusticité n'est pas quelque chose qui peut être réalisé avant l'heure pour de tels arbres par des programmes spéciaux de fertilisations. Un gel soudaine qui suit un redoux peut tuer un tel arbre à des températures bien au dessus du plus bas niveau de résistance connu pour cette plante).

Gel de l'Eau Intercellulaire

Un autre mécanisme que les plantes utilisent est l'expulsion d'eau du protoplasme de la cellule dans les espaces intercellulaires. Le changement de la perméabilité de la membrane cellulaire permet à l'eau de quitter la cellule pour aller dans les espaces entre les cellules pour ensuite geler là au lieu de geler à l'intérieur de la cellule. C'est le second niveau du gel que j'ai mentionné plus haut qui peut aussi être observé sur des bonsaïs. Pour certains arbres, quand le température chute assez bas (fort bas), ce phénomène se produit et, dans le cas des pins, il est visible. Les aiguilles d'un pin peuvent sembler comme gelées puisqu'elles sont rigides et vont se briser si on les plie. Les cellules des aiguilles du pin ont permis à l'eau de "s'échapper" dans les espaces intercellulaires où elle gèle ce qui donne aux aiguilles l'apparence qu'elles sont gelées. À NOUVEAU, ce n'est qu'une apparence et la plante elle-même (les tissus vivants) ne sont pas gelés. Ce mécanisme permet aussi d'éviter à l'eau "intracellulaire" de geler.

Gel de l'Eau Intracellulaire

Le troisième niveau de gel se produit quand l'eau intracellulaire gèle. Cela cause la mort des cellules qui gèlent et est visible sur un bonsaï au printemps par la perte de branches ou de l'arbre lui-même. Un mécanisme d'évitement du gel qui n'est pas clairement connu est ce qu'on appelle "super-refroidissement". Par un certain moyen, la "sève" cellulaire reste liquide à des températures bien en dessous du point connu de gel pour cette "sève". Il y a une relation physique avec le diamètre des vaisseaux où se trouve cette "sève", puisque dans les plus gros vaisseaux la "sève" gèle à des températures plus hautes.

À ce point, à propos de la discussion sur la formation des cristaux de glace "ronds" ou "pointus" qui se forment quand il y a des sucres dans la solution, je dois dire que je n'ai aucune connaissance que de telles choses se produisent. Mais c'est vraiment un point discutable puisque la formation de glace intracellulaire, quelle soit de cristaux "rond" ou "pointus", sera fatale à la cellule. Peu importe la forme de la glace à l'intérieur. C'est un fait froidement dur. Je vais ajouter pourtant que c'est particulièrement la formation du cristal de glace et non le gel que l'on croit responsable du dommage, puisque les cellules animales et végétales peuvent rapidement être congelées dans de l'azote liquide et se rétablissent pour plus de 90% d'entre elles à la décongélation. Ce gel rapide fait geler sur place l'eau intracellulaire sans formation de glace dans les cellules. Cela ne réussit que si le procédé de congélation a lieu à une vitesse de =/> 1°C/minute. Mais, les cellules végétales sont les moins (de loin) affectées par la vitesse de congélation. (j'ai été impliqué dans la validation de congélateurs à azote liquide pour banques de cellules il y a quelques années, donc j'ai une certaine expérience personnelle à ce sujet).

Fourchettes de Température des Trois Niveaux

Maintenant, chacun de ces trois niveaux de gel se produit dans une fourchette précise de température. Le sol gèle en premier, l'eau "intercellulaire" ensuite, et l'eau "intracellulaire" en dernier. Dans le cas des pousses des plantes (souvenez vous que j'ai dit pousse; mot très important) ces fourchettes de température seront de l'ordre de:

Ce sont des fourchettes arbitraires en guise d'exemple qui ne correspondent à aucune espèce précise. Mais, de telles fourchettes s'appliqueraient probablement à beaucoup d'espèces dans beaucoup de régions tempérées. Beaucoup d'entre vous vont noter que les températures hivernales de votre région ne remplissent pas le "critère" pour le gel "intracellulaire" et donc vos arbres devraient être en assez bonne sécurité dans votre région. C'est en effet le cas. Que tirer alors de toute cette discussion sur la protection hivernale pour le Bonsaï?

Ce qu'on en tire c'est que les valeurs de rusticité pour les différentes espèces qui ont été communiquées ici et là s'appliquent UNIQUEMENT aux tissus au dessus du sol. Le système radiculaire des plantes n'éprouve pas le même degré de résistance par un effort de l'imagination. C'est là où les arbres en Bonsaï, et les arbres dans la nature se séparent. Dans la nature, les racines d'un arbre sont sous le sol et ne subissent pas en une quelconque manière proche les températures très variables et très froides que les pousses aériennes subissent. Elles acquièrent une certaine résistance au froid; mais pas à un niveau élevé. (à propos, si le tronc d'un arbre est enterré sous le sol avant l'approche des baisses de températures d'automne, les tissus du tronc sous le sol ne vont pas résister au froid comme le reste des parties aériennes et il sera facilement endommagé s'il est exposé). Quand un arbre est extrait du sol et placé dans un pot, sa vie peut être mise en jeu puisque ses racines peuvent alors subir des températures qu'elles ne verront jamais dans la nature. C'est la raison précise pour laquelle il est nécessaire de protéger un bonsaï en hiver. (En fait, si les bonsaïs résistaient à -40°C (-40°F) etc. pourquoi la plupart d'entre nous s'inquiéteraient seulement de l'hivernage?) Rien en particulier ne doit être fait pour aider les parties au dessus du sol à passer l'hiver; c'est les parties sous le sol qui ont besoin d'aide. Je ne connais aucune astuce autre que d'éviter les basses températures pour prévenir les dégâts du gel sur les racines.

Méthodes de Protection

Une telle protection est classiquement réalisée en gardant le bonsaï dans une serre où la température est contrôllée, en gardant le bonsaï sous un châssis, en remettant l'arbre en terre, ou en paillant autour du pot (dans l'ordre décroissant d'efficacité). Toutes ces actions peuvent aider à empêcher que le système radiculaire n'atteigne les "températures mortelles" et prévenir les dommages aux racines ou la mort. Les amateurs de bonsaï qui se trouvent dans n'importe quelle région à hiver long protègent réellement les racines de leurs arbres pour les empêcher d'atteindre leurs "températures mortelles". Mais beaucoup d'autres ne semblent pas le savoir ou en être conscient.

Les Températures Mortelles Pour les Racines Varient Selon l'Espèce

Les températures auxquelles les racines meurent, étant à titre indicatif plus hautes que celles des pousses, varient aussi fortement d'une espèce à l'autre. Par exemple la "température mortelle" des racines matures du Magnolia stellata est seulement de -5°C (23°F) alors que pour le Juniperus conferta elle est de -23°C (-9.4°F) (Réf. 5). D'après mon expérience, les érables trident (Acer buergerianum) sont très sensibles à des températures modérément basse alors que beaucoup d'autres espèces, par exemple les azalées (Rhododendron sp.), ne le sont pas. J'ai hiverné des boutures d'azalées à l'extérieur en terre sans paillis durant beaucoup d'années et elles ont survécu sans problèmes. Reiner Goebel a écrit sur ce forum que ses Cèdres Blancs de l'Est (Thuja occidentallis) prélevés ne sont pas protégés du tout l'hiver (il les garde sur leurs étagères au Canada) et ils s'en portent bien. Les azalées comme les Cèdres Blancs de l'Est ont un système radiculaire dense, fibreux et superficiel et il est possible que leurs racines sont normalement exposées à des températures froides et ont une plus grande résistance. Je ne sais pas si leur plus grande résistance est due aux racines survivant aux basses températures ou à leur plus grande faculté de régénération au printemps.

Déshydratation des Tissus des Tiges

À ce point il est important de revenir au sujet relatif au gel de l'eau du sol que j'ai mentionné au début de cet article. J'ai indiqué que le gel de l'eau du sol n'est pas un problème pour l'arbre. C'est le cas, sauf dans certaines circonstances. Si la température des tissus au dessus du sol monte substantiellement et que l'eau du sol reste gelée (comme cela peut arriver dans beaucoup de serres), la transpiration d'eau peut survenir pour les pousses. Si les racines ne peuvent capter d'eau dans le sol, elles ne peuvent fournir l'eau perdue par les pousses qui peuvent dessécher. Cette situation peut être grandement aggravée par le vent qui va augmenter encore la transpiration. Cela peut résulter en la "mort hivernale" de pousses et branches.

Évidemment cette situation est très indésirable. Pour les amateurs de bonsaï on l'évitera mieux à l'aide d'écrans brise-vent. Les serres et châssis (ou porches et garages) le fournissent naturellement mais les arbres plantés en terre ou paillés peuvent avoir besoin (selon la région) d'écrans brise-vent autour d'eaux pour une meilleure protection contre cette menace potentielle.

En Résumé

Maintenant, je vais essayer de synthétiser toute cette "matière" en un résumé utile auquel chacun, partout, pourra se référer pour avoir en main l'information nécessaire pour prendre des décisions avisées et confiantes sur ce qu'il doit faire pour hiverner leur bonsaïs.

De ces 5 points, je crois que l'on peut probablement déduire que les conditions optimales d'hivernage d'un bonsaï d'une espèce tempérée sont:

Maintenant évidemment la plupart des gens ne peuvent facilement réaliser l'étape 2. Mais réaliser quelque chose de proche devrait être le but. Il y a plusieurs manières d'hiverner que beaucoup de gens ont indiqué sur ce forum qui vont s'approcher de cet idéal. Les châssis froids, garages, porches, paillis (avec brise-vent), enterrer le pot (avec brise-vent), sont tous de bons moyens de s'approcher de la protection hivernale idéale.

En Conclusion

Avec le modèle idéal ci-dessus en tête (et ses raisons) et la connaissance des conditions hivernales typiques de votre région je crois que la plupart des lecteurs pourront en sécurité choisir une méthode d'hivernage efficace.

J'espère que c'est utile (et lisible).

Andy

Références:

1) Levitt, J. (1980) "Responses of Plants to Environmental Stresses".
2) Li, P.H. et A. Sakai (1978) "Plant Cold Hardiness and Freezing Stress".
3) Long, S.P. et F.I. Woodward (1987) "Plants and Temperature".
4) Moore, T.C. (1979) "Biochemistry and Physiology of Plant Hormones".
5) Whitcomb, C. (1984) "Plant Production in Containers".

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Traduit et publié avec l'aimable autorisation de Andy Walsh et Brent Walston.
Copyright 1996 par Andy Walsh et Brent Walston, tous droits réservés